Petite sale

Louise Mey

Editions Le Masque

Petite sale c’est Catherine,19 ans qui travaille chez les Demest, bonne à tout faire surtout les travaux les plus ingrats. Madame l’a décrété. Trop pauvre, pas assez propre avec ses vêtements defraichis. Madame se trompe. Catherine a juste le visage de la misère.

« La terre est riche. Parfois elle y pense. La terre est riche. La boue est riche. Elle pas. « 

« Petite sale » rase les murs, baisse la tête, regarde le bout de ses pieds, se fait discrète, se fond dans le décor pour éviter les mains baladeuses des ouvriers, du Maître.

La fin des années 60, France profonde des campagnes encore sous le patriarcat, une France figée un siècle plus tôt.
Les riches propriétaires terriens « disposent » de leurs ouvriers. Demest fait la pluie et le beau temps, plein de morgue, être nuisible qui ecrase les plus pauvres. Il prend et jette à sa guise. Il ne tolère pas que l’on s’oppose. Il n’a qu’une ambition agrandir ses terres, asservir.

« Parce qu’on pourrait voir le feu dans ses yeux et que sa vie est bien plus simple tant qu’on ne voit rien briller »

Catherine se tait mais hait cet homme obséquieux.

Sylvie la petite fille de Demest disparaît un soir dans l’agitation. On court, on ratisse, on interroge. Mais rien.
La police parisienne vient à la rescousse des provinciaux mais l’enquête piétine dans la gadoue, le froid, la crasse.

Tu supposes très vite et tu sais en suivant le fil narratif de l’auteure, cette pelote qu’elle démêle, cette construction au cordeau, ce style fluide.

Ce roman d’atmosphère, cette ambiance de fin d’hiver, pluvieuse, glaciale, la pluie te broie les os, les secrets qui plombent l’air, les non-dits sous les feuilles enfouies dans la tourbe.
Un paysage gluant, les gouttes suspendues pesantes, inquietantes.

Ces gens qui savent et ne disent mots. Monde de taiseux replié dans leur fange. Et la violence des mots, des gestes, de deux mondes qui s’opposent les riches les pauvres, l’autorité des hommes sur la femme. Juste un ventre sans cervelle, juste bonne à enfanter.

Et cette ombre discrète que personne ne voit, cette ombre de guingois, cette ombre qui s’efface…
…Et une trouée s’illumine.

« La nuit s’apprête à prendre ses quartiers, aidée par le ciel opaque qui crache ses flocons, obstrué. C’est février pourtant. On devrait sentir quelque chose, le rallongement des jours, le retour de la lumière mais les flocons s’accrochent…on s’englue d’hiver, dans ces vallées glaciales. »

5 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Hedwige dit :

    Je pensais ne pas le lire, jusqu’à te lire…

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  2. Merci c’est gentil. C’est l’ambiance l’atmosphère ici qui suspend le temps. L’enquête est classique bien ficelée mais c’est autre chose qui retient notre attention

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  3. couriretlire dit :

    vive la Picardie !!! Et ça n’a pas changé depuis les années 60

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  4. Aude Bouquine dit :

    Ça fait du bien de lire une chronique qui ne démonte pas ce livre ! Merci

    Aimé par 1 personne

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