Marche ou rêve

Ferdinand Laignier-Colonna

Editions Heloise d’Ormesson

Ironique, sarcastique, cynique mais tellement réaliste. Et j’ajouterai poétique dans la description de la Corse et de son paysage magnifique, magnifié, de la vie.

Un regard politiquement incorrect mais oh combien juste.

Une vie mal engagée quand on a une myopathie, quand on est invalide.

« Je voulais, comme Icare, me brûler les roues près du soleil »

Ce livre, une constation de notre société face à ce que l’on ne maîtrise pas, les questions sans réponses, les traitements en essai, la peur de l’autre…different, les rapports sociaux, les rapport humains.

C’est la vie d’un homme qui rêve de marcher, de vivre comme les autres, de ne pas voir le regard compatissant ou le regard de pitié, le rêve que l’on se mette à sa hauteur, effleurer les difficultés d’un invalide à se déplacer, à se faire entendre. Un invalide n’est pas synonyme de retardé mental.

U

…tout ces imbéciles qui tournent la tête dès qu’ils m’apercoivent, comme si ma présence salissait leur horizon, agressait leur regard? Comme la photo d’un sublime panorama salopée par une poubelle au premier plan. … Ces cons oublient que la maladie est un horizon toujours possible, et non le mal par excellence. « 

Une vie de combat, chaque jour.

Se lever chaque jour.

Ne pas se laisser couler, chaque jour

Brut,cash .

Une vie de renoncement mais une leçon de vie, un regard sur le monde qui exclut souvent l’handicapé du paysage.

Un regard sur les hommes, l’amitié, les carcans actuels, les réseaux et leurs décérébrés, la sexualité, la performance… Une éclaircie, l’amour même quand ça fait mal, même quand on l’éloigne.

« Ça se voit qu’elle (il) t’aime. Moi aussi je l’aimais, c’était la vie que je lui offrais que je n’aimais pas. »

L’écriture est fluide, sans filtre, c’est à fois touchant, émouvant. Une force incommensurable au delà de la déprime, du corps qui flanche, des rêves que l’on répriment.
Et puis des vérités qui font mal qui assènent les coups. Le désespoir parfois étreint.

« Le duo anormal que nous formions jurait dans la masse des couples charmants qui se baladait. Les gens jugeait Laura courageuse d’être avec moi. À endurer les conséquences d’un tel calvaire. Moi ils m’estimaient chanceux. Privilégié (e) qu’une femme (un homme) soit suffisamment inconsciente pour m’aimer. « 

Un livre douloureux pour moi, qui réveille les blessures, les felures, les renoncements, jai mal « a mon coeur » , jai mal « à mon ame ». Se remettre debout encore. Tant qu’il est encore tant. Tant que l’envie est là, mordre à pleines dents chaque jour qui se lève. Même si le réveil est douloureux, mêmes si la fatigue assomme, même si les douleurs sont des compagnes bien trop présentes pour parfois avancer. Il ne suffit pas de vouloir mais de pouvoir. Et le  » lève toi et marche » a déjà été pris. 🙈

Pourtant pas d’apitoiement, pas de pathos mais une fureur de vivre. Une narration qui tend un miroir à ce que nous sommes, non pas en tant qu’invalides, mais en tant qu’humains les uns envers les autres.

C’est incisif, lucide sur sa situation,réaliste sur ce corps en souffrance et ses défaillances un regard d’observateur sur le monde qui râle, crie, sombre mais qui ne sait se satisfaire d’être en vie, se satisfaire de regarder le ciel, se satisfaire d’être heureux… debout.

Et quel réalisme dans ce regard acéré sur les réseaux sociaux que l’on peut aussi associer à quelques bookstagrammeurs préférés 🙈 (trop vieille pour changer)

« Les réseaux sociaux déroulaient le tapis à des milliers de guerriers décérébrés et analphabètes, à des centaines d’amazones dyslexiques qui se dressaient comme un seul Homme contre la démocratisation de l’intelligence et du bon sens. J’observais l’émergence d’une stupidité sans frontières, sauvage et pleine d’avenir. Les attentats se voulaient d’abord visuels puis intellectuels et je constatais avec stupeur ou menaient les réseaux sociaux quand ils étaient arpentés par autant de marathoniens de la bêtise. Les lettres oubliées, les conjugaisons torturées, le sens explosé, la langue fanée et les obscurantistes de l’orthographe, martyres 2.0 triomphaient, polluant l’esprit de quelques individus encore lucides et détachés. Nietzsche voyait dans la grammaire le dernier refuge de Dieu. Je crois que Dieu est mort le jour où il a lu : « sa va? » Et « comme même  » « .

Donc tu l’auras compris ce livre c’est le récit d’une vie mais aussi un regard acéré sur notre société, notre humanité. Une écriture qui bouscule et frappe là où cela fait mal. Une écriture aussi aiguisée qu’un couteau mais tu t’en relèves même si le cœur saigne.

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4 commentaires Ajouter un commentaire

  1. laplumedelulu dit :

    J’ai la chair de poule à te lire ma Rebelle au cœur de guimauve.
    Merci pour ton ressenti. Tu y as laissé une part de toi même. ❤️

    Aimé par 1 personne

    1. Je t’avoue qu’hier j’avais plutôt le bourdon

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  2. Ça n’a pas dû être une lecture facile…
    Je suis peut-être un peu trop vieille aussi, mais j’ai vraiment du mal aussi avec certains comptes instagram 😱.

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