Ceux qui restent

Jean Michelin

Editions Heloïse D’Ormesson

Un des leurs n’est pas revenu au travail, il a disparu. Mais ce n’est pas son style à Lulu, un mec droit, un mec fort, un soldat.
Ses frères d’armes inquiets partent à sa recherche.

Tu suis leurs parcours, ici, ailleurs, là bas. Les opex qui s’enchaînent, leur fraternité, des petits morceaux d’âme qui restent là où un Frère est tombé. Et puis il y a Elles qui attendent, angoissées mais qui se taisent.

« Il faut être économe de ses épanchement quand on espère durer dans le métier de la guerre « 

À toi qui pars,
qui déteste les avants, le temps qui s’écoule, les regards tristes, les pleurs.
Aimer encore, aimer vite
Être déjà absent, déjà là bas
Avec EUX.

Ce décompte immuable, infernal
Avant que
La porte ne se ferme.

Se blinder, se fermer, partir seul, les rejoindre EUX, tes hommes, te redonner une constance, une apparence.
Tu as la responsabilité, celle de les ramener.
Parfois tu as des coups de moins bien, tu les vis seul, ta femme, tes gosses te manquent mais tu gardes à l’intérieur . Le visage fermé, les mots au cœur, les maux à l’âme.
Le regard droit, tu reste focus
Sur la mission
Sur tes frères d’armes
Ceux qui ont le mal du pays
Ceux qui craquent
Ceux qui flanchent
Tu motives tes troupes, une tape sur l’épaule, un sourire, ça va aller.
On te fait confiance, tu as déjà bourlingué, le poids des médailles commencent à peser.
Si un camarade tombe, tu réserres les rangs
Continuer la mission
Ne pas s’attarder sur les peurs, les peines, la culpabilité de celui qui reste Vivant
Rester vigilant
En survigilance même quand tu rentres
Oublier les tirs, les IED, les roquettes, le bruit assourdissant, l’enfer.
Rester dans la retenue toujours même…
Quand tu rentres.
Les nons-dits
Les regards absents
Les sursauts quand un bruit surgit
La foule qui oppresse ici mais toujours là bas.
Le contrôle, cet air froid,
Ce silence qui se veut présence
Les nuits agitées, les dents et les poings serrés.
Tu aurais aimé ne pas avoir raté les 10 ans de la petite, la remise de diplome de ta deuxième ni les 18 ans de ta grande.
Mais c’était le boulot
Ton devoir
L’armée chevillée au corps.

Et puis il y a ceux qui démissionnent
Ceux en SPT
Ceux qui divorcent
Ceux qui plongent dans l’alcool
Ceux qui repartent là bas
Qui n’en reviennent jamais vraiment

« Lorsqu’il s’agissait de parler dans la douleur, dans ce qu’elle a d’intime comme bien des soldats, il n’avait jamais su quoi dire, ni comment le dire »

Ailleurs…

Ceux qui un beau matin se réveillent, attirés irrésistiblement par un ailleurs, sans se retourner,
Pour oublier, se punir,
Parce que plus rien n’a d’importance.
Tout quitter, boulot, femme, enfants.
Être le déserteur, celui qui taisait tout, emmagasinait ses ses peurs, la violence, celui qui écrivait dans des petits carnets, gardait le contrôle,
Mais le mécanisme de l’envie se brise
Retourner là bas devient viscéral
Là où tout à commencé
Avant que le chaos ne vienne
Avant que les fantômes v
hantent les jours et les nuits.
Il s’éteint un peu plus chaque jours
Parce qu’il sait,
Il sait que c’est sa faute.

A Elles, A toi,qui restent…

« On sait que ce n’est pas facile pour vous, mais personne ne nous demande comment c’est pour nous. Nous on n’a pas de médaille à la fin »

Ne rien montrer être forte pour les enfants, pour lui. L’inquiétude silencieuse, le regard fuyant
Faire semblant
Faire un joli sourire quand tu arrives à le voir, cacher les chagrins, minimiser la fatigue, les colères des petits, la voiture qui tombe en panne.
La solitude qui creuse un trou au fond du cœur, les mois qui n’en finissent plus.
Seule à prendre les décisions
Seule face à ses insomnies, son manque de lui
Seule à gérer les enfants, la belle-mère, leurs angoisses, leurs misères alors que toi
Tu n’en peux plus.
Qui s’en inquiète ?
Tétanisée quand les nouvelles ne viennent pas,

Tu vis des mois suspendus à l’attendre, à pleurer, à s’inquiéter
Seule à en crever
Seule à s’effondrer la nuit dans ce lit froid
Ce lit en manque de lui
Mais les mots ne sortent jamais
Qui comprendrait?
Qu’ une fois partie, c’est toi qui t’éffondre derrière la porte
SEULE.
Toi … la base arrière.


« C’est les retours qui sont durs plus que les départs. Chaque fois il est rentré un peu plus seul, un peu plus en colère, un peu plus triste »

Jean Michelin nous livre une histoire brute sans concession sur ces hommes, ces frères d’armes. Une immersion dans un quotidien à part et peu banal.
Un livre réaliste, authentique sur les emotions, l’attente des femmes, leur douleur.

« Il trimballait les silences au bord des nuits sans sommeil « 

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5 commentaires Ajouter un commentaire

  1. couriretlire dit :

    J’ai pris en charge une fois un ancien militaire, je m’en souviendrai toute ma vie…j’ai une admiration inconditionnelle pour eux

    Aimé par 1 personne

  2. Aude Bouquine dit :

    Je suis très très émue par ta chronique… elle sent la sincérité et le vécu. ❤️

    J’aime

  3. Une très belle chronique. Ce titre me fait penser à « Il était une fois la guerre », un sujet qui me touche beaucoup ! Je note !

    Aimé par 1 personne

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