Elle ne m’a jamais quittée

Dominique Farrugia

Robert Lafon / Versilio

Dominique Farrugia, ex membre des nuls, réalisateur, producteur et bien d’autres choses, frappé en pleine gloire, à 28 ans , une sclérose en plaques lui a été diagnostiquée.

Mais dans le déni, il continue. Hyperactif il s’investit dans plusieurs projets tout en étant sourd à ses problèmes physiques…les moments où il tombe, se casse régulièrement la cheville, l’alcool, la drogue, les traitements lourds, et « la mal bouffe », monter jusqu’à 120 kg …et puis aider du neurologue, et de sa compagne le declic.
Arreter de se mettre en danger, une sleeve et retrouver un poids dit « normal », faire taire la colère, accepter le fauteuil, et se battre encore pour bosser, donner plus pour palier au handicap, se battre contre les institutions qui puisent de l’énergie.
Un parcours qui force le respect…comme beaucoup d’handicapés. Qui donne 2 fois plus, parce qu’il faut toujours se justifier, car généralement la sep est invisible, enfin.
…au début.
Dans ce livre Dominique parle de la sep, des difficultés rencontrées, des medocs que l’on subit, des remarques déplacées, de la vie que l’on réinvente, des proches, de la douleur, de la soufFrance mais aussi son travail, sa bouée de sauvetage, car avant d’être un Malade, c’est un homme qui bosse, la maladie fait partie de lui mais elle ne le définit pas.
Et ce livre c’est aussi le moyen d’alerter les autorités sur les difficultés des handicapés, le travail, les déplacements, les logements, le matériel…

Je ne vais pas mentir ce livre, je n’avais pas particulièrement envie de le lire, d’être ramenée à cette colocataire commune alors il est vrai que je n’ai aucun soucis pour parler de cette maladie dégénérative, j’aimerai souvent l’oublier mais c’est un leurre elle est là pugnace, s’immiscant sans y être invitée, obligée d’adapter la journée, aux aléas de la sep, brisant les rêves et les aspirations, me/nous laissant sur le quai de la gare les bras ballants, « une vie qui a un arrière goût d’enfer »

« Les ténèbres »

Il va être long ce ressenti livresque

Car chaque mots écrits par l’auteur ressemblent à ceux que j’aurai pu écrire.

Quand la sclérose en plaques s’installe, le début est plutôt invisible, et puis les pertes d »equilibre se font plus nombreuses jusqu’à la cassure pour Dominique les ligaments croisés, pour moi la hanche et la mise en place d’une prothèse. « Si cette cassure/rupture ne laisse pas de séquelles à quelqu’un en bonne santé, en revanche quand on a une maladie dégénérative, c’est le début d’un cauchemar…depuis ce jour maudit je suis en chaise roulante » quasi continuellement. « Une simple chute mute en un handicap majeur. »
Cet instant est le pire souvenir de ma vie, la minute où j’ai compris que je ne pourrai plus rien faire tout seul »

J’en ai également « croisé des cretin(e)s  » me balançant » alors on a bu un verre de trop, me voyant accrochée, engluée contre mon homme car ma démarche était plutôt bancale.
Telle l’équilibriste sur un fil, chaque pas menaçaient de me faire tombée.
Depuis 3 ans,  » je suis dans une nouvelle période de ma vie, une très mauvaise période. Ma santé ne cesse de décliner doucement mais continuement. Ma jambe gauche ne se lève plus. »
Et pour ceux qui nous accompagnent, conjoints ou/et enfants, « on ne va pas se mentir, on a beau être amoureux, c’est difficile pour un couple de le rester. Celui qui vit avec un malade connaît les mêmes problèmes que lui, sur un plan pratique. L’ascenseur trop petit, la chaise roulante super lourde à descendre. « 
Moi aussi « je me dis souvent que je n’aurai pas dû l’embarquer dans cette galère, on s’est mariés j’étais debout, il y a mensonge sur la marchandise quelque part.
C’est un choix fort que de rester car la maladie n’ira pas en s’arrangeant  » et souvent je culpabilise de lui avoir entraver sa liberté, d’être celle qui bride parfois sa vie, d’être celle qui a brisé les rêves, d’être celle qui parfois quand elle souffre trop n’a qu’une envie d’envoyer tout balader et de me casser (je sais je n’irai pas très loin avec le fauteuil).
« J’en veux à cette saleté de maladie de m’être tombée sur la tête. Je ne peux pas m’empêcher de penser à tout ce qu’elle m’enlève, à tout ce qu’elle anéantit tout le temps. La liste des choses que je ne pourrai plus jamais faire à cause d’elle, » s’alourdit chaque jour un peu plus. Et que dire du monde du travail, tu peux bien tomber, avoir une direction qui t’accompagne car le travail c’est la vie où une direction qui te dit qu’elle n’en a rien à faire de ton handicap, ce jour là excusez moi du peu, je suis tombée le cul par terre, et quand tu sais ce qu’était mon travail, tu ne peux imaginer cette phrase. Deux années de galères ont suivi, deux années où les bâtiments n’étaient pas adaptés alors que je suis restée 6 ans dans une structure où tout était fait pour recevoir des handicapés. Là j’ai ramé j’ai poursuivi, monté des escaliers alors que la jambe gauche mettait un temps fou à monter, alors que pour aller Plus vite je la soulevais avec les mains. Je me suis mise à terre, parce que je voulais travailler, et puis le regard des autres ceux qui ne peuvent comprendre ceux qui te jugent, ceux qui n’imaginaient même pas la difficulté de passer en fauteuil une porte avec un seuil de deux centimètres mais je mets au défi quiconque de réussir sachant qu’il faut tenir une porte qui te paraît peser 3 tonnes.
Alors j’ai jeté l’éponge parce que la fatigue, l’un des premiers symptômes de la sep était devenue récurrente. Alors il faut faire le deuil de ce que tu étais et tu n’aimes pas ce que tu es devenue, et tu fais mal à ceux qui t’aime. Pourtant eux sont toujours là présents, à me pousser d’avancer, à réinventer à chaque attaque de ma myéline, notre vie.
Une vie qui n’est plus la même, « la plupart des désirs restent suspendus dans ce vide »


C’est con/bête mais chaque printemps et ça fait 17 ans , quand je vois des coureurs à pied , j’ai le cœur qui éclate, je donnerai quelques années de ma vie, pour cette adrénaline, les pas qui s’enchaînent de plus en plus vite, ressentir le bien être d’une course à pied, de l’effort.


C’est con/bête j’avais fait des plans sur la comète, j’attendais avec impatience de courrir avec mes gazelles, c’est entériné depuis belle lurette, je les regardais nager,


C’est con/bête on s’était dit avec ma moitié que l’on ferait le Gr20 quand les filles seraient plus grandes. Elles sont devenues plus grandes mais je ne ferai jamais le Gr20.

Alors il me reste deux temps suspendus Ou le handicap n’existe plus, nager faire de la plongée en méditerranée, et m’installer derrière la moto, mais encore combien de temps me reste t’il??

« Je connais le poids que je fais peser sur ma famille « 


Tu es sans cesse un fardeau, c’est ça la vérité, personne ne me l’a jamais dit, mais je sais que je le suis. PUTAIN c’est pénible…la dépendance c’est insupportable, aucun malade ne veut être réduit à ça, sa maladie.
Pourtant le temps passe, la maladie fait son oeuvre, nos gouvernants quelqu’ils soient n’imaginent même pas notre calvaire. Ils faudraient « qu’ils passent 24 h en fauteuil car à mes yeux, la mobilité l’indépendance, la liberté en un mot…seuls ceux qui en sont privés en ont la notion.

J’ai écouté notre première ministre Élisabeth Borne, proposant dans le cadre du handicap, une loi pour la deconjugalisation…déjà proposée lors du précédent gouvernement, mais mesure non soutenue par la majorité en place ! Alors qu’en sera t-il de ce quinquennat? Je me refuse à penser faire porter ce fardeau à mon homme, ne pas voter cette deconjugalisation c’est « nous annuler » « n’être considérer que comme « une erreur « 

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6 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Natha dit :

    J’ignorais qu’il vivait cela…

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  2. Très jolie photo , vous, posant avec le livre de Farrugia.
    Merci pour votre témoignage, je connais le handicap et l’indifférence des « inhumains » qui sont nombreux à commencer par ces politiques qui osent refuser la loi pour la déconjugalisation. Merci encore.
    Je vous souhaite un bel été 🌞

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  3. Aude Bouquine dit :

    Ce roman a dû te toucher au-delà de l’imaginable, ça se sent. 😘

    Aimé par 1 personne

    1. Exactement, ça se sent… tes mots touchent en plein cœur…

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  4. Je suis vraiment très touchée par ta chronique. Et je ne peux qu’imaginer à quel point ce livre a fait écho en toi.

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  5. Bizarrement cela m’a touchée alors que j’ai 17 ans avec cette colocataire, son parcours fait écho avec le mien, je n’ai jamais eu de problème pour en parler mais là je n’arrivait pas à trouver les mots.
    Cela m’a touchée mais en même temps j’avais envie d’éclaircir les problèmes liés à cette maladie et surtout la difficulté pour tout handicapé de se battre contre les institutions et la double peine lorsqu’il faut amenager une maison, les aides sont dérisoires on n’a rien demandé et le matériel pour handicapés coûtent un bras c’est un marché porteur 😡 et puis cette deconjugalisation qui tarde à venir cela me met en colère, c’est vraiment quelque chose d’injustice

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